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Le Clos Des Hauts
27 juin 2015

L'extraordinaire pouvoir de l'eau : le mur capteur

C'est bien beau d'avoir une grande surface vitrée plein sud, mais ce n'est pas suffisant pour pleinement profiter des apports solaires : il faut aussi pouvoir stocker les calories reçues gratuitement, ce qu'on a tendance en général à résumer un peu rapidement par "l'inertie". Et c'est là que cela se complique un peu, car, à l'intérieur du volume isolé, il faut pouvoir disposer de beaucoup de masse, orientée convenablement pour recevoir le rayonnement solaire et le conserver.

Cette masse devra donc être située d'abord dans les pièces les plus ensoleillées (les pièces de vie, au sud) mais aussi présenter une surface d'échange la plus importante possible. Un mur en béton banché situé dans une pièce peu ensoleillée sera donc assez inopérant, ne pouvant échanger que par convection avec l'air ambiant - l'air étant un mauvais caloporteur, ce sera bien plus qu'un échange radiatif (on capte directemment le rayonnement solaire qui passe au travers des baies).

MC

 

La zone d'éclairement des baies est donc à soigner tout particulièrement. On voit ici que le sol est en hiver la surface la plus éclairée à l'intérieur de la maison, donc le meilleur endroit pour stocker les calories captées pendant la journée. C'est d'autant plus simple à faire que, de toute façon, on doit forcément prévoir quelque chose de costaud au sol, ne serait-ce que pour marcher dessus ou porter le mobilier ! 

Immédiatement derrière les baies, il est aussi possible de prévoir des volumes de stockage verticaux, mais qui seront forcément plus réduits car il est techniquement plus compliqué de porter beaucoup de masse sur une surface restreinte, et la profondeur sera limitée par l'épaisseur du mur.

Les matériaux utilisés pour cela devront d'abord posséder une forte capacité calorifique et il devront également ne pas restituer ou emmagasiner les calories absorbées trop rapidement ou trop lentement (donc avoir une "effusivité" adaptée). Les matériaux comme l'acier sont peu adaptés : lourd, certes, mais beaucoup trop effusif, il peuvent emmagasiner la chaleur, mais seulement sur une courte période car ils la restituent très vite. Le bois, lui, trop isolant, a du mal à se charger assez rapidement. Les matériaux habituellement utilisés sont donc minéraux (pierre, béton, terre compactée ou cuite, etc...).

C'est ce qui a été fait pour le sol : des terres cuites scellées sur une chape de terre crue (terre battue), le tout posé sur un lit de gravier compacté de 40 cm. A noter qu'aucun isolant n'est utilisé afin de laisser le contact thermique avec le sol profond sous la maison, ce qui présente un double avantage : d'abord augmenter le volume de masse stockante grâce à la terre présente sous la maison qui échange ses calories jusqu'à plus de 3 m de profondeur, et d'autre part, pendant la période estivale, créer un raffraîchissement naturel par le sol qui limite les surchauffes. Cette inertie est donc de très longue durée : on parle ici de plusieurs mois et de plusieurs centaines de tonnes, c'est un stockage inter-saisonnier. Les temps de réaction sont longs, le principal intérêt est de diminuer la saison de chauffe, voire de pratiquement l'annuler, car le temps que toute cette masse refroidisse, les beaux jours reviennent déjà. Qui plus est à chaque journée ensoleillée, on "recharge" le sol grâce au soleil.

Utiliser le sol comme accumulateur est en fait très classique pour un bâtiment bioclimatique, car on peut à moindre coût avoir une quantité de matériau stockant très importante. Et lorsqu'on y habite, on se rend tout de suite compte, le soir, après une journée ensoleillée, de l'efficacité de la chose : il suffit de marcher pieds nus dans le salon. La puissance reçue par m² est très simple à calculer si on connait le facteur solaire du vitrage (ici 0.65) et l'incidence du rayonnement (environ 25° en janvier).
Calcul de coin de table : 1 m² sous incidence normale reçoit en hiver environ 1000 W à 13h (ou midi heure solaire). La puissance qui traverse 1 m² de vitrage est alors P= cos 25 * 1000*0.65 = 590 W. Ça, c'est ce qui passe réellement par le vitrage (vertical). Mais la tâche solaire sur le sol, étant donné l'incidence de 25°, sera beaucoup plus grande. 1 m² de sol reçoit alors seulement tan 25*590 = 275 W.
Mais 275 W, ce n'est pas négligeable du tout. Surtout avec près de 8 m² de vitrage plein sud, soit plus de 4500 W. Pour une construction avec ce niveau d'isolation, c'est déjà une belle chaudière. Le sol joue alors le rôle de tampon : il stocke pendant la journée et restitue le soir. Avec plusieurs journées de plein soleil consécutives, même avec des températures extérieures assez basses, la température du sol peut remonter en plein hiver. C'est ce qu'on voit sur le relevé de températures ci-dessous (hiver 2016-2017). La température du sol à 30 cml de profondeur (sonde) est élevée en début de saison (encore 23 °C début novembre) car le sol s'est chargé pendant l'été. Puis il décroît pour osciller en janvier autour de 19.5°C. Parfois, même avec des températures basses (courbe violette) sa température remonte. 

hiver 2017 sol

Le sol des pièces au sud, bien éclairé, va se charger, tandis que le sol des pièces au nord, qui ne voit jamais le soleil, restera plus frais. Mais la chaleur reçue côté sud va diffuser dans la dalle, à raison de quelques dizaines de cm par jour. Enfin il ne faut pas oublier non plus que dès que la température de la pièce est supérieure à celle du sol, un échange se crée par convection et celui-ci se charge, même s'il n'est pas directement éclairé par le soleil.

Il peut cependant être intéressant de combiner cette inertie longue durée avec une inertie de plus courte durée (quelques heures, voire quelques jours) pour d'autres usages. C'est le rôle du mur capteur : réchauffer l'air neuf introduit dans le logement, ou bien rayonner des infra-rouges pendant la soirée et ainsi chauffer ceux qui sont assis sur le canapé juste en face, comme le ferait un mur chauffant.

On aurait pu utiliser ici des pierres, des briques pleines ou des parpaings peints en noir et remplis de sable. Mais il était plus judicieux, quoique plus compliqué techniquement d'utiliser le matériau roi pour cet usage : l'eau ! En effet, l'eau possède les caractéristiques parfaites pour stocker les calories. A volume égal, elle stocke en effet deux fois plus de chaleur que de la pierre calcaire avec une effusivité assez proche. Inutile de la colorer en noir, car l'eau absorbe tout le rayonnement infra-rouge du spectre solaire en quelques centimètres seulement. Elle possède en outre une caractéristique fort intéressante : elle laisse passer la lumière ! Ce qui permet de gagner sur les deux tableaux et d'avoir à la fois un bon éclairage naturel et un stockage de calories. Malheureusement l'eau a la mauvaise idée, à température ambiante, d'être liquide, ce qui pose quand même le problème du contenant.

Voilà la solution qui s'est imposée après de nombreuses recherches :

DSC04949 reduit

 

DSC04948 reduit

Elle a le mérite d'être très simple bien qu'un peu longue à mettre en oeuvre.

Le mur capteur est divisé en 2 caissons indépendants constitués de montants de bois, et de verre (double vitrage à l'extérieur, simple vitrage à l'intérieur) chacun contenant 250 bocaux de 2 litres, soit 1000 litres d'eau au total auxquels il faut ajouter les 400 kg de bocaux. L'eau utilisée est salée à raison de 35 g/l de manière à ce qu'elle ne puisse jamais geler même en cas de très grand froid (on ne sait pas ce que nous réserve le climat).

Les deux caissons fonctionnent de manière différente :

  • celui de gauche est un "mur Trombe", c'est-à-dire qu'il fonctionne en circuit fermé avec l'air intérieur : des grilles en partie basse permettent de faire entrer l'air, et une trappe en partie haute (que l'on peut fermer ou ouvrir selon les besoins) permet de le faire ressortir dans la pièce une fois qu'il a chauffé au contact des bocaux. Aucun ventilateur n'est utilisé, c'est la convection naturelle qui s'occupe de faire circuler l'air.
  • celui de droite sert à préchauffer l'air neuf entrant dans le logement : une grille en partie basse située à l'extérieur laisse entrer l'air frais, il circule entre les bocaux, toujours grâce à la convection naturelle, chauffe, et ressort en partir haute par des grilles fixes dans la pièce principale. Ainsi, même s'il fait froid dehors, on gagne quelques précieux degrés. Pas de ventilation mécanique à double-flux, pas d'échangeur de chaleur ou autre système complexe, mais un résultat quasi identique en bilan thermique annuel, la consommation électrique en moins.

Ce mur d'eau, une fois chargé, a presque 3 jours d'autonomie, donc il permet de passer une courte période sans soleil sans trop de difficulté. Il restitue le soir ce qu'il a capté pendant la journée, la température à l'intérieur des caissons pouvant en janvier atteindre plus de 45°. Pour être tout à fait complet, il faudrait ajouter qu'un volet extérieur est fortement conseillé car il limite les déperditions thermiques nocturnes des caissons. Ce volet n'est pour l'heure pas installé, mais il le sera avant l'hiver prochain.

Le graphique ci-dessous est issu des mesures effectuées lors du mois de janvier 2016. En jaune la température du mur capteur (moyenne et min-max par jour) et en rouge, la température du salon. Malgré un ensoleillement très déficitaire cet hiver, le mur capteur a souvent été "positif", c'est-à-dire qu'il a fait gagner de l'énergie et a participé au chauffage passif du logement.

chart

 

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Commentaires
M
Bonjour ! <br /> <br /> Je suis tombée sur votre site par hasard et trouve cette expérience très intéressante. Aujourd'hui, 6 ans après la publication de cet article, qu'en est-il ? Avez-vous dû changer l'eau ou le sel a-t-il tenu ses promesses ? <br /> <br /> Etes-vous satisfait du système ? <br /> <br /> Merci d'avance pour vos réponses.
D
C’est passionnant vos explications. Je suis admiratif. <br /> <br /> Etant en phase de plan pour une construction d’un petit pavilion au nord du Portugal, où il fait froid en hiver (même si il y’a du soleil) votre système a attiré mon attention. Grand merci à vous.
A
Mais il ne faut pas renouveler l'eau. C'est la chaleur du "mur" qui aspire l'air intérieur par le bas et le revoie à l'extérieur haut. La circulation d'air se fait par une ouverture dans la pièce ( ou maison ) coté "froid". il faut fermer en été l'ouverture interne haut du mur et l' ouvrir coté externe Haut pour pas que la pièce se chauffe. l'hiver pour chauffer la pièce et l'ouverture haute externe étant fermé et l'ouverture interne haut ouvert. Le système est simple
A
Pour répondre à l réversion du système il suffit de faire un prise d'air frais.<br /> <br /> cet air frais sera aspiré par le bas du mur Trombe. et refoulé par le haut extérieur du mur (ici les pots de verre ). plus compliqué en immeuble s'il n'y a pas de face nord ou fraiche ?
L
Pensez-vous que l'on puisse faire cela en plus petit sur roulettes pour faire comme un "radiateur" solaire lorsqu'on a pas de baie vitrée, ce qui est mon cas dans une habitation troglodyte avec juste un puit de lumiére ? c'est en tout cas une super idée !!
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