Chauffe-eau solaire individuel, photovoltaïque, chauffe-eau thermodynamique... Quelles sont les options disponibles et quelles sont leurs performances respectives ? Parce que, pour un habitat peu énergivore, c'est le premier poste de consommation d'énergie, parce que la réglementation et certaines technologies ont évolué particulièrement vite ces dernières années, et parce que l'énergie dans le bâtiment (sa production comme sa maîtrise) est un domaine que je connais bien, je voudrais revenir sur quelques points :
Duel au soleil
En premier lieu, intéressons nous à la comparaison "solaire photovoltaïque" et "solaire thermique".
- J'ai régulièrement entendu ce genre de critiques : "Photovoltaïque = énergie grise ! Il faut plus d'énergie pour fabriquer un panneau photovoltaïque qu'il n'en produira pendant tout sa vie !" (courte, cela va de soi...)
Mais est-ce vrai ? Photovoltaïque (PV) versus solaire thermique (ST) : qui sort vainqueur en terme d'analyse de cycle de vie ? Quelques éléments de réponses...
Il faut d'abord savoir de quoi est constitué chaque type de panneau. Un capteur PV classique de 1.6m² poly ou monocristallin (soit près de 95% du marché) est composé d'1 cadre alu léger (environ 4kg), 1 verre de 4mm (10kg), 60 cellules PV d'épaisseur 0.2mm (< 1 kg), un boitier de connexion (<1kg), un support rigide de cellules+fond de panneau (environ 2 kg), soit un poids d'environ 18kg. Le rendement de ces panneaux est aujourd'hui compris entre 15% pour les plus courants à 20.5% pour les meilleurs (mais aussi les plus chers, par exemple BENQ Sunforte), soit une puissance crête d'environ 150 à 205 W/m².
Un panneau ST de 2m², lui, est composé de : 1 cadre alu ou acier peint un peu plus robuste (environ 8kg), un verre de 4 mm (10kg), du cuivre et/ou de la tôle peinte en noir (environ 20 kg) un isolant et un fond de panneau (env 5 kg) soit près de 40 kg. La puissance restituée pour 1000 W/m² d'insolation est en général proche de 400 voire 450 W/m² si l'installation est correctement conçue (ce qui n'est pas si simple, nous le verrons plus loin).
On voit que ce n'est pas le silicium qui impacte énormément le bilan, il est très minoritaire en poids (le verre aura par exemple plus d'impact). Bien que la technologie de pointe qui permet de fabriquer les wafers (galettes de silicium servant de base à la microélectronique et au PV) soit gourmande en énergie, les quantités de matière mobilisées sont très faibles. La température de fusion de la silice est très élevée (fours à 2500 voire 3000°C), bien supérieure à celle du cuivre (1100°C), mais la quantité de cuivre mobilisée pour le ST n'est pas du même ordre !
Enfin, le silicium qui compose les cellules est l'élément le plus abondant disponible sur Terre. La pénurie n'arrivera sans doute jamais, mais pour le cuivre... les réserves mondiales exploitables sont estimées à 30 à 50 ans au rythme actuel de consommation, ce qui explique la flambée des cours ces dernières années, le cuivre étant devenu une valeur spéculative. Il provient majoritairement d'Amérique (Chili entre autres, on se souvient des 33 mineurs de San Jose il y a quelques années...) et son extraction, comme tout minerai métallique, est particulièrement polluante (voir ce qui vient de se passer au Brésil suite à la rupture d'un barrage). L'économie circulaire tend heureusement à fonctionner de mieux en mieux pour le cuivre, par nécessité économique avant tout, mais l'impact environnemental est tout sauf négligeable : il faut donc logiquement essayer d'en consommer le moins possible.
Pour information, pour un panneau PV, le temps de retour sur investissement énergétique (RIE) est de l'ordre de 2.5 ans aujourd'hui : cela signifie que l'énergie utilisée pour le fabriquer sera produite par le panneau dans ce laps de temps. Les fabricants améliorent régulièrement les process de fabrications, il est donc fort probable que le RIE va encore diminuer dans les années à venir.
Alors, bien sûr, à surface égale un capteur PV produit entre 2 et 2.5 fois moins qu'un capteur ST. Et alors ? Si on se place au niveau de ce seul composant (le capteur), il n'est pas évident du tout que l'énergie grise soit favorable au ST ! Le seul véritable inconvénient est qu'il faut mobiliser plus de surface pour produire la même quantité d'énergie, et donc disposer d'une plus grande surface bien orientée (mais... tout dépend du profil de consommation : voir plus loin). Cependant, le PV est plus flexible en terme d'orientation : si le sud est évidemment à privilégier en priorité avec une inclinaison optimale d'environ 40°, les pertes de production restent modérées tant qu'on reste orienté dans le 1/3 sud, et une inclinaison même faible impactera peu.
Un capteur ST, lui, devra être installé de la façon la plus optimale possible pour être vraiment efficace, et malheureusement peu de professionnels du domaine savent le faire. La plupart des capteurs ST sont bien souvent intégrés dans le plan de toiture, ce qui a pour conséquence dans de nombreuses régions où les toits sont traditionnellement à faible pente de créer des surchauffes l'été et de minimiser la production hivernale ! Conséquences : mauvaise couverture des besoins réels, dégradation prématurée du matériel, nécessité d'adjoindre un système d'auto-vidange des capteurs... alors qu'une installation à plus de 60° d'inclinaison permet de corriger ces problèmes tout en maximisant la production hivernale. Les façades sont donc à privilégier plutôt que les toitures pour installer les capteurs !
- "Mais les capteurs PV ne durent pas longtemps !"
Si un capteur ST, lui, est quasiment inusable si on ne le malmène pas trop (les coups de béliers et la vaporisation du caloporteur sur des installations mal réfléchies ne les arrange quand même pas), il est vrai que la production des capteurs PV baisse avec le temps, et ce phénomène doit être pris en compte lors des calculs d'amortissement notamment. Mais la chute de production est somme toute assez faible : les fabricants annoncent tous aujourd'hui une baisse de moins de 0.65% par an, garantissent 85% de la production initiale au bout de 20 ans et 80% après 30 ans. Cela a en outre été vérifié par l'expérience sur de vieilles installations en Allemagne, mais aussi par l'association HEPSUL suite au test de la première installation PV installée en France en 1992 : au bout de 20 ans, les modules n'avaient perdu que 8.3% de leur puissance initiale. (http://www.photovoltaique.info/IMG/pdf/cp_presse_phe_bus_1_final.pdf). Au delà le capteur continuera bien sûr à produire pendant plusieurs décennies, les risques de panne étant quasi-nuls sur ce composant, aucune pièce ni mécanique ni micro-électronique n'étant utilisée.
Il est à noter que le photovoltaïque, bien que souvent considéré comme une technologie de pointe, est en fait vieux comme le monde, ou disons plutôt vieux comme le découvreur de l'effet photovoltaïque en... 1839, un certain Antoine Becquerel (moins connu que sont petit-fils Henri, découvreur de la radioactivité). Les applications de cet effet n'apparaissent cependant que dans la deuxième moitié du XXe siècle, avec la conquête spatiale et se démocratisent ensuite au cours des années 70, dans le nautisme ou l'électrification des sites isolés.
- Cependant les capteurs ne sont qu'un maillon de la chaîne : après avoir capté l'énergie, il faut la transporter jusqu'au stockage (le ballon). Sur ce point, le ST et le PV se différencient énormément : dans un cas on fait circuler de l'eau chaude et dans l'autre des électrons.
Pour le ST, il faut une boucle primaire dans laquelle circulera un fluide caloporteur, donc un circuit composé de tubes isolés (en cuivre ou inox) dont le diamètre sera de préférence important pour éviter trop de pertes de charges, et la longueur la plus faible possible, ce qui n'est pas toujours évident en pratique, surtout si on souhaite que le stockage soit le plus proche possible du point de puisage principal (ie la douche). Une boucle de 10m, soit 5m aller-retour, représente environ 5 kg de cuivre, plus les raccords. Si le système ne peut pas fonctionner en thermosiphon il faudra ajouter un circulateur (électrique) et une régulation (petit boîtier électronique qui compare la t° du capteur et celle du ballon). Enfin, le fluide caloporteur qui circule dans cette boucle est de l'eau glycolée (antigel issu de l'industrie pétrochimique). Les contraintes de mise en œuvre ne sont donc pas du tout négligeables, l'installation devant être réfléchie très en amont du chantier pour être réellement efficace. Un seul exemple : le ballon de stockage devrait logiquement être dans le volume chauffé afin d'en limiter les déperditions, ce qui suppose de créer des traversées de murs qui devront être correctement étanchéifiées.
"Oui, mais l'installation est rustique et low-tech". Mouais, pas franchement quand on regarde toute l'installation : capteurs, régulation, sondes de T°, appoint (pas forcément électrique), tout ça se complique diablement et prend parfois beaucoup de place. Bien sûr, tout est techniquement réalisable, mais demande beaucoup de soin dans la mise en œuvre, donc du temps (...donc souvent de l'argent).
Pour le PV, c'est justement sur le transport de l'énergie captée que les choses ont le plus évolué. Le système encore le plus courant, l'onduleur gérant des chaînes de capteurs (des "strings"), est en passe d'être supplanté par une autre technologie, les micro-onduleurs.
Dans le 1er cas, les capteurs PV sont connectés en série (les "strings") et produisent du courant continu acheminé via un conducteur de forte section (pour limiter les pertes par effet joule) à un onduleur, pouvant souvent gérer plusieurs strings indépendamment, et chargé de transformer le courant continu en 230 V alternatif. Inconvénients : câbles en 4 voire 6 mm², les capteurs doivent se trouver assez proche de l'onduleur si possible, et cet onduleur est clairement le maillon faible du système, sa durée de vie étant limitée (en général 10 à 12 ans), le principal problème étant le refroidissement de ce composant souvent assuré par un ventilateur qui finit par s'encrasser. Sur ce point, les choses évoluent cependant, certains fabricants proposant des garanties de 15 voire 20 ans sur des onduleurs travaillant en convection naturelle pour leur refroidissement. L'autre très gros inconvénient du système est que lorsqu'un des capteurs d'une string est inactivé (ombre portée, feuilles masquant une partie du panneau à l'automne...) c'est toute la string qui arrête de produire ! C'est une des raisons pour lesquelles le photovoltaïque a si mauvaise presse en France, de nombreuses installations ayant été faites en dépit du bon sens dans les années passées par des sociétés sans scrupules, profitant d'un tarif de rachat proche de 60 cts/kWh produit, en vigueur à l'époque, et n'hésitant pas à installer des capteurs sur des toitures à l'ombre une grande partie de l'année, voire même côté nord (je l'ai vu!). La production attendue n'est évidemment pas au rendez-vous dans ces configurations.
Dans le 2ème cas, qui a tendance à se généraliser petit à petit, l'onduleur central est abandonné au profit de micro-onduleurs installés au dos des capteurs. Chaque capteur PV est indépendant des autres (plus de problème d'ombre portée sur les strings) et produit donc directement du 230V DC. Un simple câble en 2.5 mm² suffit en général pour câbler une dizaine de capteurs jusqu'au tableau, les pertes par effet joule sont alors très faibles. Qui plus est, ces micro-onduleurs sont beaucoup plus robustes, moins sujets à la surchauffe et refroidis seulement par convection naturelle. Leur durée de vie est de plus de 20 ans. Il est alors possible de n'installer par exemple que 2 ou 3 panneaux, pas forcément en toiture, pas forcément côte à côté, là où c'est possible, là où on a de la place, là où l'exposition est la meilleure. Le PV est-il encore à considérer dans ce cas comme quelque chose de high-tech, complexe à gérer, à maintenir et installer ? A dire vrai, je préfère très largement installer du PV que du ST : plus rapide, moins cher (voir plus bas) et surtout bien moins technique.
- Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à notre eau chaude. Maintenant que nous avons transporté l'énergie (chaleur ou électricité) il faut la stocker. Là aussi les deux systèmes diffèrent énormément.
Il faut garder à l'esprit que le ST peut facilement produire beaucoup d'eau tiède pendant l'hiver mais aura plus de difficultés à produire de l'eau très chaude. Pour avoir un bon rendement, le système doit donc prévoir un volume de stockage important (en général 80 l/m² de capteur) et miser sur la stratification du ballon : la boucle primaire viendra réchauffer le bas du volume, et l'appoint (électrique souvent, ou réalisé par une chaudière séparée) en chauffera la partie supérieure jusqu'à la température de consigne. Le principal inconvénient est qu'il faut un ballon de grande capacité, si possible vertical pour que la stratification s'opère bien, ce qui demande de la place. Ajoutons qu'il faudra aussi prévoir sur la boucle primaire un vase d'expansion, et une purge. Un deuxième problème vient du fait que lorsque le soleil d'hiver est trop blafard, les capteurs ST ne parviennent plus à faire monter la boucle primaire à une température suffisante pour réchauffer le ballon, le circulateur ne se déclenche alors plus du tout bien que le fluide caloporteur réussisse parfois à atteindre 20 à 30 °C, ce qui est plus élevé que la température de l'eau froide du réseau. Ce qu'il faut retenir, c'est que le ST peut tout à fait couvrir plus de 75% des besoins annuels en eau chaude d'un foyer, mais qu'il fournira très peu pendant les mois les moins ensoleillés... et là c'est l'appoint intégré au ballon, dans ce cas, qui fera presque tout le boulot, donc bien souvent un mix de nucléaire, gaz, fuel et charbon.
Une solution pour limiter ce problème est de ne pas intégrer d'appoint au ballon de stockage, et laisser le système capteur+stockage fabriquer de l'eau tiède. Dans ce cas, lorsqu'un appoint devient nécessaire, c'est par exemple un deuxième ballon de faible capacité (20l), monté en série à la suite du premier, qui viendra faire le complément. Ou bien un petit chauffe-eau instantané, mais qui aura comme inconvénient de demander plus de puissance. Le solaire thermique, un système simple, rustique et efficace... mais qui commence un peu à ressembler à une usine à gaz, non ?
En ce qui concerne le PV, l'électricité produite par les micro-onduleurs peut être directement utilisée par n'importe quel cumulus électrique. Il suffit de raccorder le câble PV au tableau électrique du bâtiment en y intercalant un boîtier coupe circuit/parafoudre. Les doubles compteurs ne sont absolument pas obligatoires, et n'ont d'intérêt que si l'ont souhaite revendre l'électricité produite... ce qui, aujourd'hui, devient de moins en moins justifié sur le plan financier, le kWh fournit par le PV devenant moins cher que celui acheté sur le réseau.
Faut-il une réserve aussi importante qu'avec le ST ? Clairement, non. Car, dès qu'il y a un peu de clarté, le PV commence à produire. Peu, bien sûr, mais les électrons circulent quand même. La résistance du cumulus les utilisera en priorité, le réseau faisant l'appoint. Il est donc possible de chauffer beaucoup moins d'eau mais à une température plus élevée, ce qui est un gros avantage en hiver. Là où il est judicieux de prévoir une réserve de 80 l/personne pour le ST, ce qui permettra d'avoir un bon rendement en moyenne annuelle en augmentant la couverture d'intersaison, on peut descendre à la moitié avec le PV. Voire même beaucoup moins (voir les détails plus loin : optimiser sa consommation).
De nombreux avantages en découlent : moins de place à prévoir (un cumulus basic de faible capacité suffisant), investissement beaucoup plus faible, énergie grise mobilisée plus faible, remplacement du ballon moins coûteux lorsqu'il arrive en fin de vie, possibilité de loger beaucoup plus facilement le ballon au plus près du point de puisage principal et donc diminuer les pertes de distribution.
Des inconvénients ? Assez peu, à part la gestion ponctuelle des surcharges : avec une réserve de faible capacité, dimensionnée pour le nombre de personnes vivant au foyer, il est difficile d'assurer une demande beaucoup plus importante. Par exemple, si vous recevez des amis pendant quelques jours, ils prendront sans doute des douches (tss, tss !) et le petit cumulus ne pourra peut-être pas fabriquer suffisamment vite l'eau chaude nécessaire. Même si le laps de temps sans eau chaude est court (car un petit cumulus se réchauffe vite) il n'est pas évident que ce soit le PV, même en été, qui fournisse l'énergie (notamment s'il prennent leurs douches le soir... les fourbes!) Le ST, avec sa réserve beaucoup plus importante sous nos latitudes, est en général excédentaire plus de la moitié de l'année dans de nombreuses régions en France et est capable de faire face pendant ces périodes à une demande d'eau chaude plus importante que la base pour lequel il est prévu.
Le truc en plus
Aurions-nous fait le tour du sujet ? Pas encore. Une différence majeure n'a pas été abordée : si le ST n'est dédié qu'aux applications thermiques uniquement, le PV, lui, fournit de l'électricité, utilisable pour d'autres applications.
Et l'avantage n'est vraiment pas négligeable. Ainsi, pendant l'été, le ST va inévitablement surproduire un peu si le système mis en œuvre couvre 70 à 80% des besoins annuels. L'énergie excédentaire sera perdue. Le PV, lui, fournira de l'électricité utilisable pour l'électroménager, la cuisine ou l'informatique, voire même l'éclairage si un petit parc batterie est installé.
Et d'ailleurs, puisque nous parlons de batteries... le PV a-t-il oui ou non besoin de batteries pour fonctionner ?
En fait, la première des batteries, la plus efficace et la moins chère, c'est justement la réserve d'eau chaude, qui va pouvoir stocker plusieurs kWh, très exactement 1.162 Wh.°C/l. Cela signifie que si l'eau froide du réseau public est par exemple à 10°C et qu'on l'élève à 60°C (donc un delta de 50°C) on va stocker 58.1 Wh/l de réserve, soit 5.81 kWh pour une réserve de 100 litres. A titre de comparaison, un parc de batteries "modernes" au lithium (LiFePo4) de même capacité, et les composants indispensables à son fonctionnement ( Battery Management System, chargeur...) vont coûter près de 5000 €. Cela dit, comme expliqué plus haut, l'eau chaude ne servira jamais qu'à des applications thermiques : eau chaude sanitaire essentiellement, même si un complément de chauffage peut être envisageable dans certains cas (dans le bâti ancien notamment quand les besoins en chauffage sont assez conséquents et la période de chauffe longue).
Une fois la réserve d'eau chaude à sa température maximale, trois options sont possibles :
- consommer ce qui est produit en surplus par le PV immédiatement, éventuellement le perdre s'il n'y a pas de besoin immédiat d'électricité. Si le système PV est dimensionné pour la production d'eau chaude seule, la quantité d'énergie perdue sera faible, on pourra utiliser parfois de 100% de ce qui est produit. Et aujourd'hui, afin d'utiliser au mieux l'énergie produite localement par le PV, de nombreux systèmes sont en train de voir le jour : boitiers "intelligents" permettant par exemple de décaler le démarrage de certains appareils (lave-linge, lave-vaisselle...), pilotage de la production d'eau chaude privilégiant d'abord l'usage du PV, etc...
- pour une installation PV plus importante, on peut de choisir de réinjecter l'électricité produite sur le réseau. C'est la solution la plus courante jusqu'à aujourd'hui en France, car elle semble à première vue financièrement les plus intéressante... à première vue seulement, car aujourd'hui, si on réfléchit à long terme (20 ou 30 ans) il est plus intéressant d'autoconsommer l'électricité produite que de la revendre - mais c'est un autre sujet que j'aborderai dans un article à venir.
- ou bien enfin stocker le surplus localement pour un usage différé (le soir par exemple). Aujourd'hui, il n'existe pas réellement de solutions alternatives aux batteries, même si certaines sont en développement : volant à inertie, hydrogène, air comprimé... Mais ces dispositifs sont assez encombrants, ou pas encore au point et pas forcément adaptés à l'habitat.
On en revient donc aux bonnes vieilles batteries. Du plomb, de l'acide... en fait, et même si les solutions utilisant les batteries plomb/acide sont encore majoritaires aujourd'hui, c'est précisément là qu'une petite révolution est en train de s'accomplir. Cette technologie (datant du 19e siècle, il faut s'en souvenir !) est en train de laisser place au lithium, dont l'usage devrait se généraliser au cours de la décennie. Présent aujourd'hui un peu partout (smartphone, ordinateurs, tablettes, voiture électrique) sous différentes formes, le lithium est très avantageux sur de nombreux plans : beaucoup moins lourd que le plomb, plus durable, permettant une décharge profonde des batteries sans les dégrader, ne dégageant pas d'hydrogène donc plus sûr, conservant beaucoup mieux la charge, ne craignant pas la chaleur, plus faciles et moins polluantes à recycler, les batteries au lithium-fer-Phosphate (LiFePO4) relèguent définitivement leurs consœurs au plomb/acide à leur juste place, celle des dinosaures du stockage de l'énergie. Une rapide comparaison met les choses au clair : pour une capacité de stockage effective de 10 kWh il faut environ 550 kg de batteries plomb/acide contre seulement 140 kg pour les LifePO4 ; avec un profondeur de décharge de 50% de leur capacité nominale on peut espérer une durée de vie de l'ordre de 1500 cycles pour le plomb/acide, tandis que pour le LiFePO4 on table sur 5000 à 7000 cycles à 80% de décharge ; contrairement au plomb/acide, la fin de vie des LiFePO4 n'est pas brutale mais progressive, les batteries perdant seulement en capacité au fil du temps (souvenez-vous le jour où vous avez voulu démarrer la voiture et que vous avez entendu le démarreur s'essouffler sous le capot... c'était signé : batterie au plomb).
Et la prochaine génération de batteries au lithium-titane est déjà bientôt prête à être commercialisée, affichant encore des performances plus impressionnantes, de l'ordre de 20000 cycles à 95% de décharge, ce qui, si elles tiennent vraiment leurs promesses, leur conférera une durée de vie effective de plus 60 ans.
- "Oui, mais les batteries, ça pollue, c'est mal, c'est pas bien pour l'environnement."
Là encore, il faut nuancer. On associe souvent "stockage sur batteries" et "autonomie". Si, en effet, vouloir être autonome en électricité, donc non connecté au réseau public, demande des quantités de batteries énormes afin d'avoir plusieurs jours d'autonomie (en général une semaine au moins), créer un stock d'énergie tampon utilisable le soir requiert un parc de batteries bien moins important, de l'ordre de 10 à 20 fois plus petit. Bien sûr, il arrivera forcément un jour, après une période trop longue sans soleil, que ce stock tampon ne puisse plus subvenir aux besoins du foyer. Et alors ? Le réseau public servira dans ce cas d'appoint. Inutile donc de dimensionner le stockage pour le pire des cas (10 jours sans soleil, par exemple), on choisira simplement de stocker l'équivalent d'une journée de consommation, voire même d'une demi-journée. Si un sérieux travail d'optimisation des consommations du foyer concerné a été fait en amont, un stockage de 4 à 5 kWh est en général suffisant, soit environ 60 kg de batteries LiFePO4 et une durée de vie de près de 20 ans. A comparer avec les 15 kg de la batterie au plomb de la voiture familiale moyenne, qu'il faudra remplacer tous les 6 ou 7 ans.
Bien sûr, il faut extraire le lithium, le process de fabrication des batteries est assez énergivore, et la quasi totalité des usines de productions sont en Asie. Mais nous sommes ici dans un usage rationnel : un stock tampon, qui permettra de soulager le réseau en hiver lors des pointes de consommation, lorsque l'électricité est la plus carbonée. Car, pendant les périodes de grands froids, les conditions sont en général anticycloniques, et, bien que les températures soient négatives, il y a en général un bon ensoleillement. Si le PV avec stockage tampon se généralisait, il serait alors possible non seulement de limiter fortement les pointes de consommations, mais aussi la consommation de base (donc moins de nucléaire en France), tout en allégeant le réseau national (donc potentiellement moins de lignes THT et de risque de black out). La finalité de cette option n'est pas de se déconnecter à terme du réseau mais bien de moins l'utiliser, tant au niveau de la quantité d'énergie soutirée que de la puissance souscrite.
- "Mais le PV est-il rentable si l'électricité n'est pas revendue?"
Financièrement, oui, à tel point qu'aujourd'hui, il ne faut plus se poser la question sous la forme "combien pourrait me rapporter une installation PV ?" mais plutôt "combien va me coûter le fait de ne pas installer de PV ?". L'objet de cet article n'est pas d'analyser la rentabilité de ce genre d'installation, cependant rappelons que le prix des capteurs PV a été divisé par 5 en 10 ans. Le kWh produit par le PV est dores et déjà moins cher (environ 12 cts/kWh) que celui vendu par n'importe quel fournisseur d'électricité, et l'écart va s'accroitre dans les années à venir. Installer du PV chez soi revient donc à acheter son électricité "en gros", en une seule fois à l'instant t, pour les décennies à venir.
N'oublions quand même pas notre (chère) technologie
Nous avons fait le tour de la question PV versus ST. Reste une option pour la production d'eau chaude : le chauffe-eau thermodynamique. Il s'agit en fait d'un ballon auquel est couplé une petite pompe chaleur. J'évacuerai rapidement ce procédé pour les raisons suivantes : il est cher, peu efficace, et sa durée de vie est faible (de l'ordre de 10 à 12 ans). C'est pourtant la solution la plus souvent retenue pour les constructions neuves (RT 2012) car elle est très facile à mettre en œuvre et ne nécessite pas d'effort de conception spécifique de la part du constructeur ou du maître d'œuvre : le chauffe-eau thermodynamique est un simple composant qui vient remplacer le cumulus électrique utilisé auparavant. Sans trop entrer dans la technique, un des points faibles du système est évidemment la pompe à chaleur, qui comprend des parties mécaniques sujettes à usure, qui nécessite de l'entretien et dont la durée de vie est limitée. Dans les régions où l'eau du réseau est très dure, le calcaire est une autre source de désagrément, qui diminuera la durée de vie du ballon lui-même. Mais le remplacement du chauffe-eau thermodynamique reviendra pratiquement 10 fois plus cher que celui d'un cumulus électrique.
Pour les logements équipés d'une VMC, on choisit en général de coupler le ballon thermodynamique à l'extraction d'air de la VMC, c'est-à-dire que l'air extrait par la VMC servira de source chaude à la pompe à chaleur (PAC) produisant l'eau chaude. Cela permet donc en théorie de récupérer la chaleur de l'air vicié pour chauffer l'eau chaude. En théorie seulement... car les débits nécessaires à la PAC sont souvent 3 ou 4 fois supérieurs à ceux de la VMC. La maison est alors surventilée, et pour produire de l'eau chaude on augmente les pertes dues à la ventilation... donc la facture de chauffage.
En résumé, c'est une solution réglementaire au sens de la RT2012, mais peu performante et financièrement peu avantageuse à moyen terme, qui reviendra, une fois additionnés l'achat initial, la maintenance et l'électricité consommée à plus de 500 €/an pour un foyer de 4 personnes.
Faire mieux avec moins
Indépendamment du système choisi, il existe cependant de nombreuses solutions simples et souvent peu coûteuses pour faire baisser la consommation d'énergie liée à la production d'eau chaude. Elles se résument en un mot : OPTIMISATION. Voici quelques unes des astuces les plus payantes :
- Limiter les pertes de la réserve d'eau chaude.
En effet, pour un cumulus électrique classique (200 l pour 3/4 personnes) les pertes liées au seul refroidissement du ballon représentent près de 25% de la consommation totale. Ces ballons sont faiblement isolés : en général 30 mm de mousse polyuréthane (résistance thermique de 1 m².K/W seulement). Il est donc souhaitable de les sur-isoler, en les installant par exemple dans un caisson, ou un placard dont les parois auront été préalablement doublées avec 5 à 10 cm d'isolant.
- Diminuer les débits des points de puisage.
Si la plupart des robinets (évier et lavabo) sont aujourd'hui équipés de mousseurs qui font chuter leur débit aux alentours de 5l/mn, il reste souvent à traiter le principal poste de consommation d'eau de la maison : la douche. La plupart des pommes de douches présentent des débits de l'ordre de 15 à 20 l/mn, et parfois bien davantage pour les pommes de douches les plus larges. Aujourd'hui, est-ce cohérent et responsable de continuer à installer ce matériel ? Non seulement il contribue à la gabegie toujours croissante d'eau potable, mais en plus produire l'eau chaude nécessaire pour les alimenter nécessite des quantités d'énergie très importantes. Il existe pourtant une solution pour diviser par 2 voire 3 les consommations d'eau et d'énergie liées à la douche : remplacer la pomme de douche classique par un modèle à économie d'eau. Une grande quantité d'air est ajoutée à l'eau qui est accélérée par effet Venturi lorsqu'elle passe dans la pomme de douche, le pouvoir d'aspersion reste donc le même mais le débit est réduit à 7l/mn seulement. (voir par exemple http://www.ecogam.fr/). L'investissement (autour de 30 €) est rentabilisé en quelques mois seulement.
- Réduire la capacité de la réserve.
Il faut bien comprendre qu' on installe en général des cumulus d'eau chaude de l'ordre de 50l/personnes dans le seul but de pouvoir profiter des tarifs en heures creuses, donc de fabriquer l'eau chaude pendant la nuit, lorsque la demande en électricité est plus faible, hors des périodes de pointe. Il est donc nécessaire de dimensionner la réserve en tenant compte de son refroidissement pendant la journée, afin que les usagers disposent toujours d'assez d'eau chaude le soir. Cette pratique, très franco-française, permet de profiter au mieux de notre parc électro-nucléaire... mais elle n'a aucun intérêt si l'eau chaude sanitaire est produite majoritairement à partir du PV, car il sera alors préférable de la fabriquer pendant la journée, quand le soleil brille. Qui plus est, si la douche, qui mobilise 80% de l'eau chaude du foyer, est équipée d'une pomme à économie d'eau, il n'est plus utile de prévoir une réserve aussi importante, 25 l/personne suffiront alors amplement. Or, les pertes thermiques du ballon d'eau chaude sont liées à sa taille : plus il est petit, moins sa surface extérieure est importante et moins les déperditions sont grandes. L'abonnement heures pleines/heures creuses est alors sans intérêt, les quantités d'énergie utilisées en heures creuses devenant bien trop faibles pour rembourser le surcoût de l'abonnement ; le chauffe-eau peut alors se déclencher à toute heure si un besoin en eau chaude plus important apparaît ponctuellement.
- Limiter enfin la distance entre le point de puisage principal (la douche) et la réserve d'eau chaude.
Idéalement, il faudrait placer le cumulus à proximité immédiate de la douche, à moins d'un mètre, par exemple derrière une contre-cloison technique. Evidemment, avec le ST, il faudra disposer de beaucoup de place au sol et d'une dalle supportant la surcharge, ce qui n'est pas toujours le cas. Mais avec du PV, en choisissant un cumulus de 100 litres de faible encombrement, un volume libre de 0.65x0.65m par 1.2m de hauteur suffit.
Finie l'attente interminable entre le moment où l'on ouvre le robinet et celui où l'eau chaude arrive enfin, car en quelques secondes elle est disponible. Les pertes liées au refroidissement de l'eau dans les tuyaux sont alors moins importantes. Bien sûr, tous les points de puisages (évier notamment) ne pourront se trouver à proximité immédiate de la réserve, mais leur consommation d'eau chaude est bien plus faible que celle de la douche. Pour une construciton neuve, il est donc important de prévoir un réseau d'eau chaude le plus court possible, donc de travailler sur le plan afin de rassembler au mieux les points de puisages et la réserve d'eau chaude.
Il est à noter que même si aucun système de production d'eau chaude par énergie renouvelable n'est installé, ces mesures basiques d'optimisation permettent une économie d'énergie de l'ordre de... 60% par rapport à une installation standard (sans compter les économies d'eau). C'est-à-dire presqu'aussi bien qu'un chauffe-eau solaire individuel... mais pour un prix bien inférieur! Le comportement de l'habitant est cependant fondamental pour espérer arriver à ces résultats : des douches de 20 mn au lieu de 5 ou l'usage une baignoire (le terminator de l'économie d'eau !) sont évidemment à éviter.
Et la loi dans tout ça ?
Si d'un point de vue technique, nous avons fait le tour du sujet, il reste encore un angle sous lequel l'aborder : l'aspect réglementaire. Car, oui, être efficient est une chose, être réglementaire en est une autre. Notamment depuis l'avènement de la dernière mouture en date de la réglementation énergétique française pour le bâtiment, la fameuse RT2012 : un petit bijou technocratique, 1450 pages de pur bonheur, un mélange subtil d'inefficacité et de complexité extrême à faire pâlir de jalousie un Nobel de physique quantique.
Il est donc très difficile de produire une synthèse compréhensible par le profane des solutions RT2012-compatibles concernant l'eau chaude. Ce qu'il faut noter en premier lieu c'est que les mesures d'optimisations citées plus haut ne sont tout simplement pas prises en compte par la réglementation, qui considère que la consommation d'eau chaude à 40°C représente 40 l/jour/équivalent habitant. De même, la production d'électricité d'origine photovoltaïque n'est prise en compte qu'à hauteur de 12 kWhep/m²/an au maximum quelle que soit la puissance crête réelle installée, là où l'eau chaude en demandera 3 ou 4 fois plus.
Conséquences :
- on continue à installer de grosses réserves d'eau chaude et donc à prendre des abonnements HP/HC... nos centrales nucléaires auront donc toujours quelque chose à alimenter pendant la nuit (ça tombe bien).
- compter sur un simple chauffe-eau électrique pour fabriquer l'eau chaude est impossible, sa consommation théorique étant trop importante pour réussir à rester sous le Cepmax (maximum de consommation d'énergie autorisée pour la maison). Pour les constructions neuves, c'est donc l'une des deux solutions suivantes qui est adoptée : à une écrasante majorité le chauffe-eau thermodynamique, et plus minoritairement le chauffe-eau ST. Le PV, bien que performant et efficace, ne pourra réglementairement pas assurer à lui seul la production d'eau chaude.
Avouons le, c'est plutôt navrant. En particulier pour ceux qui font vraiment l'effort d'aller chercher les solutions réellement soutenables, efficientes et dont les analyses de cycles de vies sont les meilleures. Quand la loi est aberrante à ce point, écrite ni dans l'intérêt général, ni pour répondre à une noble cause (l'écologie par exemple) mais seulement pour satisfaire l'insatiable appétit de quelques-uns pour les dividendes, il peut être alors judicieux de se poser la question : à quoi bon rester dans la légalité si c'est pour faire moins bien ?
Il faudra de toute façon adjoindre à la production d'eau chaude par le PV un autre système permettant de faire baisser la consommation "réglementaire" d'énergie, même si la consommation réelle est 2 ou 3 fois plus faible. Une solution envisageable est l'installation d'un récupérateur de chaleur sur les eaux grises de la douche. Plusieurs systèmes de ce type reconnus par la RT2012 (dérogation "Titre V système") existent aujourd'hui ; ils ont l'avantage d'être inusables, puisqu'il s'agit simplement d'un échangeur de chaleur en cuivre entre l'eau de vidange de la douche et l'arrivée d'eau froide de celle-ci. (voir notamment Obox ou Gaïagreen).
Malheureusement, si une pomme de douche à économie d'eau est installée, il n'y a pratiquement plus rien à récupérer, ou si peu d'énergie que l'investissement (autour de 1000 € pour le matériel sans la pose) ne sera jamais amorti. Et faire valider ce type d'installation par un bureau d'étude est un parcours du combattant dont beaucoup souhaiteront se passer. Mais c'est légal et finalement moins cher que les solutions standards. C'est déjà ça.
Heureusement, la RT 2012 ne s'applique pas au cas de la rénovation.Ouf.